Pourquoi les produits de la finance islamique ne sont-ils pas plus répandus en France ? La réponse dans ce nouvel article de blog.
Au niveau mondial, l’industrie de la finance islamique a dépassé les 4500 milliards de dollars, certains experts prédisent même qu’elle dépassera les 6000 milliards de dollars d’ici 2027.
Pourtant en France, le pays en Europe qui compte le plus de musulmans, les produits de la finance islamique restent encore très marginaux.
Malgré une volonté politique de favoriser l’industrie de la finance islamique sous la présidence de Nicolas Sarkozy, on constate qu’il y a eu peu d’initiatives depuis dans ce sens.
Pour en comprendre les raisons, nous allons d’une part nous intéresser au début de la finance islamique en France et par la suite évoquer les différents éléments qui empêchent la finance islamique de progresser plus rapidement en France.
La crise des « subprimes » en 2008 est un des facteurs qui a incité le gouvernement de Nicolas Sarkozy à s’intéresser à la finance islamique.
À l’époque, Paris Europlace, une association dont le but est de promouvoir et développer la place financière de Paris, commande un rapport sur le sujet.
Il est finalisé en décembre 2008 et s’intitule « Enjeux et opportunités du développement de la finance islamique pour la place de Paris ».
Ce rapport brosse un portrait de la finance islamique au niveau mondial et explore les scenarios possibles pour la France.
Il en résulte 10 propositions dans le but de collecter un montant de 100 milliards d’euros grâce à cette finance.
Le rapport débute d’ailleurs avec cette phrase qui rappelle la proximité de l’interdiction de l’usure ou riba avec l’Ancien Testament :
« Quand ton frère se ruine,
que sa main chancelle près de toi.
Soutiens-le : métèque ou habitant, il vit avec toi. Tu ne prendras de lui, ni usure, ni intérêt. »
Ancien Testament, Lévitique, 25, 35-37.
À cette époque, la perspective de développer la finance islamique avait le vent en poupe, le président Sarkozy poussait pour le développement de la finance islamique comme lors de son discours à l’occasion du 40ème anniversaire de la Chambre de Commerce franco-arabe en 2010 où il souligne que « nous souhaitons et nous devons être plus attractifs pour les investisseurs arabes en France, et je fais d'ailleurs un lien avec la finance islamique parce que tout ceci s'inscrit dans la même logique ».
Des aménagements fiscaux ont été faits en 2012 afin de pouvoir accueillir des produits de la finance islamique comme la mourabaha par exemple et des dispositions futures étaient prévues pour continuer d’implanter cette finance en France.
Mais depuis ces aménagements, il n'y a plus vraiment eu de volonté politique de pousser vers le développement de la finance islamique.
Cela coïncide avec un changement de gouvernement, la finance islamique n’était alors plus un sujet d’actualité.
Malgré tout, des acteurs ont réussi à proposer des produits comme la mourabaha afin de permettre le financement d’un bien immobilier sans riba.
Lorsque la finance islamique se développe dans un pays, c’est surtout grâce à la volonté des dirigeants du pays, sans volonté politique, le développement de la finance islamique prendra plus de temps ou pire, ne prendra pas du tout.
En Malaisie par exemple, c’est la volonté des dirigeants du pays qui a fait progresser la finance islamique.
Dès les années 80, la Malaisie met en place un cadre réglementaire et législatif pour faciliter la croissance de la finance islamique.
Des institutions financières islamiques dédiées voient le jour et des objectifs sont fixés par le gouvernement pour rendre majoritaire la finance islamique par rapport à la finance conventionnelle.
En France, il y a eu un début de mise en place de la finance islamique grâce à une volonté politique mais par la suite, l’absence de cette volonté politique a contribué au ralentissement de son développement.
Elle est également victime de plusieurs fausses croyances. Elle est associée, à tort, au terrorisme et à l’intégrisme religieux.
En France, depuis quelques années, la montée des discours haineux contre les musulmans rend difficile le développement de la finance islamique.
Le mot « islamique », ou même « islam », est victime d’une forme de rejet total de la part de certains de nos compatriotes, ce qui ne facilite pas le développement de cette finance.
Une autre fausse croyance réside dans le fait que la finance islamique ne respecterait pas le principe de la laïcité, ce qui est faux.
Les produits de la finance islamique ne peuvent opérer en France que s’ils sont conformes aux règles du droit français y compris celles qui régissent le principe de laïcité.
Du coté des musulmans eux-mêmes, il y a une forme de méfiance vis-à-vis de la finance islamique, certains affirmant même qu’il n’y a aucune différence entre la finance islamique et la finance conventionnelle.
Ils pensent qu’il ne s’agit que d’un argument marketing pour les attirer sur des produits financiers faussement « halal » et parfois même plus onéreux pour l’occasion.
Toutes ces fausses croyances ont conduit la finance islamique à avoir mauvaise réputation dans notre pays et surtout dans l’opinion publique.
Les grandes banques françaises sont très frileuses à l’idée de proposer des produits de finance islamique.
Elles ne souhaitent pas s’associer à quelque chose qui se rapporte de loin ou de près à l’Islam par souci de réputation.
Pourtant, cela ne les empêche pas de proposer des produits de finance islamique en France pour la gestion d’actifs de sa clientèle étrangère.
Elles sont même à la pointe des produits de finance islamique dans les pays étrangers où elles opérent, surtout en banque d’affaires ou en banque privée.
Il n’y a d’ailleurs pas en France une seule banque islamique.
Chez Mizen, nous avons fait le choix d’afficher notre ambition : être une fintech islamique qui propose le premier compte de paiement halal, n’hésitez plus, ouvrez votre compte halal chez Mizen !
La finance islamique est aussi victime d’un manque d’éducation financière mais aussi religieuse de la population musulmane de France.
De manière générale, nous manquons cruellement d’éducation financière dans nos sociétés, ce qui impacte indirectement le développement de la finance islamique.
La majorité des musulmans n’a souvent pas connaissance des principes de la finance islamique qui consistent, entre autres, à l’interdiction du riba, du gharar et du maysir comme nous l’avons détaillé dans un précédent article.
C’est donc tout naturellement qu’ils vont souscrire à des produits de la finance conventionnelle comme des livrets d’épargne ou des produits d’assurance-vie classiques pourtant en contradiction avec leur éthique musulmane.
Et donc, sans une demande de la part des musulmans eux-mêmes, pourquoi développer des produits de la finance islamique ?
La défiance envers la finance islamique n’a pas non plus aidé à développer ce secteur qui reste encore un secteur de niche, très peu de produits de finance islamique existent aujourd’hui en France.
Ces différents éléments expliquent en partie le fait que la finance islamique ne connaît pas le succès qu’elle devrait pourtant connaître au vu de ses performances au niveau mondial et des valeurs éthiques qu’elle porte.
Cette finance, qui a débuté dans les années 60, reste néanmoins très jeune, nous sommes persuadés chez Mizen qu’elle a encore de beaux jours devant elle !